Confinement et Covid-19 : Impacts sur la consommation alimentaire des Français

Le monde entier connaît une importante crise sanitaire depuis la fin 2019. L’un après l’autre, les pays adoptent la méthode du confinement pour se protéger. Bientôt deux mois que cette phase est bel et bien terminée en France. Cependant, le confinement fait encore beaucoup parler de lui. Certains se sont attelés à expliquer les changements observés lors de cette période dans notre consommation alimentaire.

En effet, notre rapport à l’alimentation se bouleverse et entraîne de nombreux retournements
dans les chaînes de distribution. De la cuisine aux grands magasins, des petits commerces aux associations solidaires : la crise devient l’alliée de la transition. Aujourd’hui, ces modifications de consommation alimentaire seraient susceptibles de s’installer sur le long terme.

Un début de confinement difficile

Déclaré comme état d’urgence de santé publique et de portée internationale par l’OMS le 30 janvier 2020, le virus SARS-CoV-2 sera identifié sur le territoire français ce même mois. La maladie à Coronavirus 2019 montre une propagation exponentielle. Les cas et les mesures préventives s’enchaînent. Le 17 mars 2020, le pays tout entier entre dans une phase de confinement stricte. Une étape attendue mais aussi redoutée du combat contre le Covid-19.

Le mot d’ordre est alors « Restez chez vous ». Le confinement se base sur une restriction des déplacements. Le but : limiter les contacts et donc, limiter la propagation. Activités collectives interdites, écoles fermées, attestation sur l’honneur pour toutes sorties, télétravail, fermeture de tous commerces hors premières nécessités… Avec toujours à l’esprit le respect des gestes barrières.

Émergence de nouvelles préoccupations

Ces nouvelles conditions de vie signifient un changement important dans l’organisation des
ménages. Pour la majorité, les enfants et les parents se retrouvent 24h/24h à la maison. Apparaît alors une nouvelle préoccupation :seul ou à plusieurs, il faut bien pouvoir nourrir tout le monde, et plus que d’habitude ! Une nouvelle inquiétude qui occasionne des modifications des comportements en lien avec notre alimentation.

Des achats plus espacés et priorisant la quantité

Les changements de consommation alimentaire commencent à apparaître bien avant la mise en place du confinement. L’avancée constante du Coronavirus provoque une réaction en chaîne. Les français-e-s craignent la pénurie alimentaire et veulent anticiper. Une augmentation des ventes des produits de bases et non périssables s’enregistre dans les magasins. Et vers la fin du mois de février 2020, certaines enseignes constatent déjà des ruptures de stock.

Le gouvernement appelle la population à ne pas se précipiter dans les grandes surfaces. Les
principaux responsables de la filière agro-alimentaire assurent également qu’ils sont prêts pour pallier à la hausse de la demande. Ce qui rassure en grande partie les français-e-s. Un sondage de l’observatoire Cetelem montre cependant que 48% de la population s’inquiète encore de l’approvisionnement des magasins. Les zooms de l’observatoire Cetelem cités ici, proposent de se pencher en trois temps sur le mode de vie des français-e-s pendant le confinement. Ce sondage en est la première étape.

Enfin, cette même étude dévoile également que ces achats pré-confinement concernent
principalement les plus jeunes. Les produits d’hygiène, produits frais et les produits non
périssables sont privilégiés, comme anticipation de la situation à venir. Une autre tendance est aussi mise en avant : 54% de la population souhaite diminuer leur fréquence d’achat.

Pour éviter la contamination, il apparaît nécessaire de passer moins de temps dans les magasins. Une plus grande disposition à privilégier des achats en quantité se développe pour mieux se préserver et s’organiser.

Revirement de la consommation alimentaire

Recherche d’une certaine qualité alimentaire

Par la suite, la préoccupation alimentaire reste présente tout au long du confinement. D’autant plus avec la fermeture des marchés annoncée fin mars.

Néanmoins, un mouvement commence à se détacher en parallèle. Les régions appellent à
consommer local pour soutenir les petits producteurs. Beaucoup de commerces locaux se
démarquent. Un besoin de supporter l’économie française se fait plus présent. La même étude met en avant que, déjà les premiers jours du confinement, 33% des français sont prêts à découvrir « une alternative aux courses en magasin pour la première fois ».

De plus, dans certains foyers, le confinement suscite la recherche d’une nouvelle qualité de vie. En effet, il est question d’apporter une attention particulière à sa santé et son bien-être. Ceci apparaît, de surcroît, primordial pour les personnes sans emploi ou sans activité. Les vidéos de DIY, de sport à la maison, de cuisine… se multiplient. Le « faire soi-même » se démocratise.

De nouveaux comportements se créent et les acheteurs se tournent vers le BIO, le responsable, ou vers les circuits courts. Une forte augmentation des ventes de ces produits s’enregistre. Ce que démontre une étude réalisée par le cabinet Nielsen début avril.

Prise de conscience du coût de l’alimentation

Ces mouvements se lient étroitement à une consommation alimentaire plus réfléchie. Plusieurs interrogations relatives au pouvoir d’achat, au coût de l’alimentation ou de la qualité des produits émergent. Les consommateurs deviennent plus éclairés concernant leurs choix alimentaires.

D’autant plus qu’une majorité des consommateurs jugent que les prix augmentent.
L’observatoire Cetelem, dans un second sondage réalisé en plein confinement, expose que près de 80% des français-e-s s’accordent sur le sujet. Tout comme 46% d’entre eux ressentent une charge économique plus importante consacrée à l’alimentation. Il devient alors nécessaire, avec l’augmentation des repas, d’apporter plus d’attention à ces achats.

Réorganisation et adaptation des producteurs

Du côté des producteurs, la situation devient difficile. Les stocks ne s’écoulent plus, d’autant plus avec la fermeture des marchés et des restaurants. Afin de s’adapter à la situation, de nouveaux mécanismes émergent. Par exemple, des drives fermiers se mettent en place. Plus particulièrement près des villes où la demande est forte. Des listes de contacts sont mises à disposition sur les sites régionaux afin de trouver les agriculteurs près de chez soi. Ou encore, des ventes en ligne s’organisent pour la vente de produits frais. Internet joue alors un rôle de levier au développement des marchés locaux.

La vente en circuit court révèle posséder plusieurs avantages. Outre ceux cités précédemment, elle apporte un brin d’air et de convivialité en plein « enfermement ». C’est également un bon moyen d’éviter les supermarchés bondés et les files d’attentes. Les gestes barrières sont respectés et tout provient du jardin d’à côté (ou presque !).

Activité redoublée des associations solidaires

N’oublions pas les AMAPs (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) qui pendant cette période connaissent de profonds rebondissements. Ces associations lient les consommateurs et les producteurs et elles s’adaptent à la crise.

Dans le but de continuer à opérer pour soutenir les agriculteurs en difficultés, les AMAPs mettent en place plusieurs procédés. Les cotisations sont par exemple assouplies avec des contrats plus courts ou des commandes ponctuelles. Les paniers sont plus garnis pour écouler le surplus.

Un effort de la part des bénévoles et citoyens se démarque. Des jardins sont prêtés pour faire office de lieu de dépôt dans les quartiers. Ou bien, des commandes sont organisés par groupe de voisins. De même, en comptant l’intérêt grandissant pour une consommation locale des confinés, les AMAPs reçoivent nettement plus de demandes d’adhésion. Certaines doublent leurs effectifs dans des périodes habituellement creuses.

Des changements pour les commerces de proximités

Ces changements concernent également les plus petits commerces. Une étude de Word panel 2020 de la société d’étude Kantar, dévoile que les ventes des commerces de proximité augmentent. Celles des Hypermarchés, à l’inverse, diminuent. Cela s’expliquerait en partie par le respect des distances et/ou la peur des grands magasins. Les consommateurs changent leurs habitudes de consommation et découvrent leurs quartiers, les petits commerces et épiceries fines. La tendance de la distribution alimentaire s’inverse.

« Manger au temps du coronavirus »

Catherine Darrot, sociologue et ingénieure agronome, développe le sujet lors de l’enquête « Manger au temps du coronavirus ». Plusieurs études ont été menées en rapport avec la situation actuelle. Les interviews de plusieurs chercheurs sont facilement disponibles à l’écoute sur la chaîne YouTube du CNRS. Un appel à retour citoyen est également en cours dans le but d’obtenir l’avis des particuliers sur la situation post-confinement. N’hésitez pas à participer !

Dans ce #PodcastCNRS, l’enseignante chercheure explique que les témoignages démontrent un effet majeur du confinement sur les comportements alimentaires. Cela s’explique en partie par le raccourcissement des distances d’approvisionnement et un fonctionnement renouvelé des chaînes agro-industrielle. « Les produits circulent » comme le souligne Catherine Darrot, qui précise qu’un scénario de catastrophe alimentaire aurait pu survenir.

Une partie des consommateurs se tournent alors vers la consommation de produits frais et locaux. Le plus étonnant, comme souligné dans le podcast, est l’apparition de mouvements citoyens qui vont aider à la distribution des produits locaux. Tout comme l’émergence de mobilisations de nouveaux consommateurs qui recherchent pour la première fois à acheter local.

La question est maintenant de savoir si après le confinement, ces nouveaux comportements perdureront. On peut penser qu’effectivement, cela est en bonne voie, comme l’encourage encore Catherine Darrot : « Il y a du lien entre producteurs et consommateurs […] qui sans doute laissera des traces ».

Comment rester chez soi et prendre des mesures de sécurité modifient sur le long terme sa consommation alimentaire ?
Comment rester chez soi et prendre des mesures de sécurité modifient sur le long terme sa consommation alimentaire ?

La consommation alimentaire post-confinement

Des tendances positives pour l’après confinement

Pour l’après confinement, les consommateurs s’annoncent favorables à continuer vers une
consommation alimentaire locale et responsable. Une étude réalisée par Pwc France pendant le confinement sur l’habitude de la consommation alimentaire montre un désir de persistance de ces pratiques.

La priorité des consommateurs resterait le prix des produits. Cependant, la qualité et la
production d’origine française sont les deuxièmes préoccupations des français-e-s. Même si cela signifie payer plus cher. Certains consommateurs s’orienteraient donc préférentiellement vers ces produits après le confinement. De même, un haut pourcentage de la population est prête à soutenir les commerçants en difficulté et les prioriser par leurs achats.

Un autre sondage OpinionWay pour l’ONG Max Havelaar, confirme ces tendances. En effet, 80% des sondés affirment qu’ils continueront à consommer local, responsable ou BIO après la fin de la crise. Ceci dans une recherche de qualité et de respect de l’environnement. Mais également comme soutien aux agriculteurs et à de justes conditions de travail.

Continuer dans la même optique que celle mise en place pendant le confinement est donc bien présent. Les consommateurs souhaitent ainsi faire évoluer les systèmes d’achats locaux et biologiques. Ils désirent également participer à l’effort d’un changement des comportements et des modes de consommation alimentaire.

Une montée en puissance du digital

Un autre fait qu’énonce l’étude de Pwc France, est la place importante prise par le digital. Certains magasins n’ont pas su valoriser cet outil lors de la crise. Commandes incomplètes, offre limitée, temps d’attente… La conséquence serait une perte de client, déçus lors du confinement. Ces consommateurs se tourneraient alors plus favorablement vers des achats en marchés ou chez des petits producteurs.

Une autre étude évoque le sujet. La compagnie Nielsen et la Fédération du e-Commerce et de la vente à distance (Fevad) démontrent une progression des achats alimentaires en ligne depuis février. Le e-Commerce aurait permis de soutenir le marché alimentaire depuis le début de la pandémie. Après le 11 mai, la vente online ne diminue pas et surpasse 2019 de 66%.

C’est une nouvelle forme de consommation qui a profité du confinement pour se développer et atteindre de nouveaux clients : « la séquence du Covid19 a été à la fois un accélérateur de transformation digitale, et le révélateur de la capacité des acteurs traditionnels à s’adapter… » précise Marc Lolivier, Délégué Général de la Fevad.

Et dans les faits ?

Maintenant que l’étape du « Restez chez soi » a pris fin, le pays essaye de retrouver son rythme de vie habituel petit à petit. Mais tout en restant vigilant. Le Coronavirus est toujours là. Les habitudes alimentaires se maintiennent elles ? Comment se réorganisera la population dans le monde de demain ?

Constance d’un mode de vie confiné

Le confinement est terminé, néanmoins, une grande partie de la population continue à vivre suivant les mêmes modalités. Le télétravail persiste. Beaucoup redoutent encore les grands espaces publics. La consommation à distance avec l’aide des réseaux et internet est encouragée. Ainsi que l’évitement des hypermarchés au profit de petits producteurs.

Un discours qui reste intact

L’observatoire Cetelem, dans une dernière enquête relative au confinement, relève les témoignages des français-e-s en juin 2020. La grande majorité des sondés annonce se préoccuper préférentiellement de l’économie du pays. L’angoisse sanitaire prend du recul. De plus, 77% d’entre eux souhaitent conserver les habitudes prises pendant l’étape « confinement ». Les discours restent identiques à propos du souhait de privilégier le local, même si celui-ci est plus cher. 52% des enquêtés affirment qu’il sera alors difficile de retrouver une consommation « comme avant ».

Une consommation en hausse

A la suite de la réouverture des magasins et des bars, on constate une augmentation des
dépenses matériels et de loisirs. Comme un souffle d’après confinement. De plus, selon Nielsen, la première semaine après le 11 mai est marquée par de fortes dépenses alimentaires en magasin, +9% par rapport à 2019. Les produits frais, biologiques et du drive sont cependant toujours privilégiés. Une hausse des ventes d’alcool est aussi répertoriée. Alcool qui avait été bien délaissé pendant ces derniers mois. Fini les apéros vidéo !

Qu’en disent les acteurs des circuits courts ?

Une implantation dans le temps de nouveaux procédés

Certains mouvements mis en place après fin mars se pérennisent. C’est le cas par exemple d’une commune dans le Bas-Rhin. Les commerçants, restaurateurs et artisans du village mettent en place un système de livraison à domicile, qui rencontre un franc succès. Le fonctionnement resterait opérationnel jusqu’à fin août. L’objectif est ensuite la création d’une association et ainsi perpétuer le projet.

Dans la Vallée de Seine, les circuits courts ont connu un vrai boom. Un site internet a été mis en place pour passer commande, ainsi qu’un dispositif de livraison. Le président de la région veut implanter ce mécanisme durablement et souhaite « accompagner le développement du circuit court pour que ça dure dans le temps. ».

Autre exemple : La Ruche Qui Dit Oui n’a pas chômé ces derniers mois. Plus de 530 points de distribution actifs et toujours plus de commandes. Beaucoup de producteurs rejoignent aussi la course. À Paris et en Île de France, le réseau La Ruche à la maison, le service de livraison à domicile mis en place sur la région, a doublé ses commandes. Après la fin du confinement, le hashtag #Restezavecnous est lancé. De courtes vidéos présentent des producteurs qui appellent les habitants à continuer sur la voie du local !

Mais tout n’est pas aussi simple

L’intérêt des consommateurs est toujours là. L’accroissement de nouveaux clients pendant le confinement a certes diminué, les demandes d’informations continuent. Les associations se montrent confiantes quant à l’envie des consommateurs de continuer dans la lancée du local et du partage alimentaire.

Certains agriculteurs hésitent pourtant à continuer. La charge de travail s’annonce beaucoup plus importante par le rythme de livraison à tenir. Quelques incertitudes se font sentir. Les commandes diminuent. La suite repose donc en partie sur l’assiduité des consommateurs, et de l’autre, sur les possibilités des producteurs.

Le gaspillage alimentaire recule

L’entreprise contre le gaspillage alimentaire TooGoodToGo note aussi du changement. En effet, une enquête réalisée par l’association démontre que 32% des sondés assurent avoir moins gaspillé. Anticipation des repas, courses moins fréquentes, liste de courses… Ce sont plusieurs raisons qui expliqueraient ce résultat.

Le groupe a d’ailleurs évité le gaspillage d’environ 9500 paniers de produits frais. Grâce à sa collaboration avec Transgourmet, des restaurateurs et des producteurs en difficultés.

À la suite du 11 mai, les initiatives doivent se prolonger. C’est pourquoi l’association continue à informer sur le sujet. Elle crée un Pacte sur les Dates de Consommation. Plusieurs enseignes ont déjà ratifié le pacte qui a pour but de « clarifier les dates de consommation pour réduire le gaspillage alimentaire ».

D’autres initiatives mises en place pendant le confinement resteront actives. Comme par
exemple le numéro conçu par le groupe Comerso, autre acteur du « Zérodéchet », qui permet la mise en relation des magasins et particuliers pour ainsi écouler les invendus.

Et maintenant ?

Plusieurs bonnes idées ont vu le jour. Et même si certaines s’avèrent difficilement pérennes, elles ont permis d’initier d’autres formes de pensées. Un renouvellement de l’accès aux circuits courts à vu le jour, ainsi qu’un désir des consommateurs d’y accéder. Il serait alors possible de les adapter de nouveaux afin de poursuivre cette transition.

De plus, en début de crise, des probabilités de failles dans l’échange alimentaire ont été
évoquées à de nombreuses reprises. Dans un précédent article, Pagachey partageait ce problème de continuité d’échange de produits alimentaires, ces conséquences sur le tissu
associatif et les systèmes de partage. Nous pouvons voir qu’aujourd’hui, les systèmes associatifs et les circuits courts ont su relever le défi.

La collaboration des différents acteurs et citoyens ont permis une distribution continuelle des produits, une offre d’alimentation saine et de la bonne humeur.

Finalement, la crise du Covid19 ainsi que le confinement ont vu les prémices de changements dans nos comportements et notre consommation alimentaire. Beaucoup se sont aussi fidélisés envers les circuits courts ou vers une consommation plus responsable. Aujourd’hui, une partie de la population tend également à retrouver une consommation « d’avant ».

Notre société actuelle vit dans une abondance de produits et génère un bien-être dans la
consommation. Une période de crise, comme nous la vivons actuellement, montre que ces
comportements sont aptes au changement. Le confinement a eu un rôle d’accélérateur d’une
transition alimentaire déjà en cours. Les choix des consommateurs et une politique de soutien seraient alors cruciales pour l’avenir. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin !

N’hésitez pas à commenter plus bas et à nous partager vos habitudes ou vos questionnements nés du confinement.

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